Actualités en droit pénal belge liées au coronavirus «Covid-19»

4 Mai 2020 | COVID-19

A) Les nouvelles incriminations en matière de Covid-19 entrées en vigueur ce 04.05.2020

A.1.  L’obligation du port du masque en tissu uniquement pour les transports publics

Contrairement à certains Pays voisins, l’article 4 de l’Arrêté royal du 30.04.2020 modifiant l’Arrêté ministériel du 23.03.2020 portant des mesures d’urgence pour lutter contre la propagation du coronavirus Covid 19, n’impose l’obligation du port du masque que pour les personnes âgées de plus de 12 ans et dans les transports publics c’est-à-dire :

« Le citoyen à partir de l’âge de 12 ans est obligé de se couvrir la bouche et le nez avec un masque ou toute autre alternative en tissu dès l’entrée dans la gare, sur le quai ou un point d’arrêt, dans le bus, le (pré)métro, le tram, le train ou tout autre moyen de transport organisé par une autorité publique. »

En revanche, l’article 6 du même Arrêté royal permet mais n’impose pas le port du masque dans l’espace public puisqu’il précise que :

« Le port d’un masque ou de toute autre alternative en tissu permettant de se couvrir la bouche et le nez est autorisé à des fins sanitaires dans les lieux accessibles au public. »

A.2. L’obligation de demeurer chez soi

L’article 8 de l’Arrêté ministériel n° 3 du 23.03.2020 portant des mesures d’urgence pour lutter contre la propagation du coronavirus Covid 19, impose aux citoyens de rester chez eux comme suit :

« Les personnes sont tenues de restées chez elles. Il est interdit de se trouver sur la voie publique et dans les lieux publics, sauf en cas de nécessité et pour des raisons urgentes telles que:

– se rendre dans les lieux dont l’ouverture est autorisée sur la base des articles 1er et 3 [les magasins d’alimentation et les divers  magasins et établissements autorisés à l’ouverture], et en revenir ;

– avoir accès aux distributeurs de billets des banques et des bureaux de poste ;
– avoir accès aux soins médicaux ;
– fournir l’assistance et les soins aux personnes âgées, aux mineurs, aux personnes en situation d’handicap et aux personnes vulnérables ;

– effectuer les déplacements professionnels, en ce compris le trajet domicile-lieu de travail.

– Les situations visées à l’article 5, alinéa 2.  (= exceptions voir ci-dessous l’interdiction de rassemblement)»

Commentaires pratiques:

A l’évidence, la liste des exceptions est à ce point importante qu’il nous paraît  excessivement difficile à prouver qu’une personne, pourvu qu’elle circule seule sur le territoire du Royaume, ne rentre pas dans un ou plusieurs de ces cas de figures.

Or, selon la jurisprudentielle habituelle des cours et tribunaux, la charge de la preuve ne reposant pas sur les épaules du citoyen mais bien sur le ministère public qui l’accuse, dés lors que ce dernier  invoque un motif  non dépourvu de tout crédit en lien avec une de ces hypothèses, un procès-verbal de constat d’infraction ne pourra, à notre sens, être dressé à sa charge.

En outre, dans l’hypothèse d’un procès pénal devant le Tribunal correctionnel (cf. voir ci-dessous), l’avocat du prévenu pourra développer son argumentation pour justifier que le cas d’espèce relève bien d’une des exceptions prévues par la loi même si certains éléments n’apparaissent pas clairement des circonstances du contrôle et/ou de l’audition du suspect entendu par les policiers dans une situation de stress.

A.3. L’interdiction de rassemblement

L’article 5 de l’Arrêté royal du  30.04.2020 modifie comme suit l’article 5 de l’Arrêté ministériel du 23.03.2020 dés lors que sont interdits :

« 1° les rassemblements ;
2° les activités à caractère privé ou public, de nature culturelle, sociale, festive, folklorique, sportive et récréative ;
3° les excursions scolaires d’une journée ;   4° les excursions scolaires de plusieurs jours ; 5° les activités dans le cadre de mouvements de jeunesse sur le et à partir du territoire national ; 6° les activités des cérémonies religieuses.

Par dérogation à l’alinéa 1er, sont autorisés [hormis les cérémonies funéraires, mariages civils, cérémonies religieuses enregistrées dans le but de la diffusion à certaines conditions précisées audit article] : […]

– les promenades et les activités physiques en plein air n’impliquant pas de contacts physiques, seul ou en compagnie de personnes vivant sous le même toit et/ou en compagnie de maximum deux autres personnes qui doivent toujours être les mêmes, moyennant le respect d’une distance d’1,5 mètre entre chaque personne ;

– les sorties à cheval, et ce uniquement en vue du bien-être de l’animal et avec un maximum de deux cavaliers. »

Commentaires pratiques :

Sensiblement plus contraignante, l’interdiction de rassemblement n’en demeure pas moins problématique en son application en raison des termes très généraux figurant dans les exceptions précisées.

Il en découle que seuls les cas les plus flagrants demeureront passibles de sanction :

Soit pour  les rassemblements extérieurs, en cas de premier contrôle, les rassemblements de plus de trois personnes n’habitant pas sous le même toit et/ou ne respectant pas la distanciation d’1, 5 m ; aucune exception n’étant prévue dans ce cas hormis les mariages et cérémonies funéraires.

Soit pour les rassemblements intérieurs dans les habitations privées, les rassemblements de personne non domiciliées à l’adresse ou non apparentées notamment pour les réunions amicales ou festives.

Cependant, pour ces rassemblements intérieurs, à défaut de mandat de perquisition que seul un juge d’instruction peut délivrer ou de flagrant délit résultant de la commission d’une infraction flagrante et perceptible depuis l’extérieur de l’habitation après consultation du Procureur du Roi vu l’inviolabilité du domicile et le respect du principe de proportionnalité (ex : tapages nocturnes, cris ou appels au secours laissant craindre pour l’intégrité physique d’un tiers, etc.), le maître de maison n’a pas l’obligation d’ouvrir la porte si des policiers – appelés par exemple par des voisins délateurs – viendraient sonner à la porte de l’habitation.

B) La procédure pour établir les éléments constitutifs de l’infraction

Selon la circulaire du 07.04.2020 des procureurs généraux,les infractions sont recherchées et constatées par les moyens habituels (constatations, auditions, prises d’images, images provenant de caméras de surveillance, données provenant d’internet, etc.) qui peuvent être mis en œuvre pour des infractions passible d’une peine d’emprisonnement de trois mois maximum. Par conséquent, sont exclues, par principe, les méthodes qui exigent un seuil de peine supérieur à trois mois.

Ceci a également pour conséquence que, sauf si elle commet des infractions connexes (ivresse publique, port d’arme, rébellion avec ou sans armes, menaces, coups et blessures, crachats sur une personne, prétendre qu’elle a le Covid pour effrayer son interlocuteur ; etc.) la personne suspectée du non-respect des règles en matière de Covid ne pourra à aucun moment être  privée de sa liberté même pour son audition.

A plus forte raison, nul ne peut faire l’objet d’un mandat d’arrêt par un juge d’instruction uniquement pour une infraction liée au Covid.

Comme toute audition  en bonne et due forme, cette audition devra satisfaire aux prescriptions de l’article 47 bis du Code d’instruction criminelle qui prévoit que préalablement à l’audition, la personne entendue doit avoir été informée de ses droits notamment qu’elle n’est pas obligée de s’accuser, qu’elle peut garder le silence et que son audition pourra servir de preuve contre elle en Justice. A défaut, l’audition sera irrégulière et ne pourra servir comme élément à charge dans un procès ultérieur.

La personne entendue  a également le droit de demander le report de son audition pour consulter un avocat de même qu’après cette audition, une copie de  celle-ci qui pourra lui être délivrée par la suite si elle fait l’objet d’une audition non dactylographiée.

Par ailleurs, le principe de la loyauté de la charge des moyens de preuve impose qu’un citoyen ne peut être menacé d’être privé de liberté ou détenu s’il ne reconnaît avoir commis une infraction Covid. Un tel comportement des policiers verbalisateurs permettrait à l’avocat de la défense de soutenir que les aveux éventuels obtenus de son client ne sont pas réguliers et doivent être écartés par le tribunal sur pied de l’article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale en raison de l’atteinte au principe de la fiabilité de la preuve.

Enfin, selon la circulaire des procureurs généraux, les procès-verbaux constatant les infractions relatives au non-respect des arrêtés seront transmis dans les plus brefs délais aux parquets et auditorats, le cas échéant par mail sous forme scannée. Un procès-verbal par auteur et par infraction est établi.

C) Les sanctions en cas de non respect prouvés des obligations et interdictions

Le régime des sanctions est composé d’une part, des sanctions administratives et d’autre part, des sanctions pénales pour les cas les plus graves (concours d’infractions ou récidives).

Si cette dualité de sanction peut surprendre et conduire à une application différenciée de la loi selon les   situations au cas par cas, sa légalité a néanmoins été validée à plusieurs reprises par les juridictions suprêmes (Cour de cassation et Cour constitutionnelle) pour d’autres législations pénales (ex : en matière de législation environnementale, en droit du travail, etc.).

C.1. Les sanctions administratives :

Entré en vigueur le 07.04.2020, l’Arrêté royal du 6 avril 2020 portant sur le non respect des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19  par la mise en place de sanctions administratives communales permet au communes qui le souhaitent de recourir au régime des sanctions administratives. Ce régime n’est donc pas obligatoire mais facultatif.

Pour ce faire, les communes doivent intégrer les sanctions administratives (à savoir l’amende administrative) pour non respect de la réglementation Covid dans leur règlement communal qui doit être consultable sur le site internet de la commune ou à un lieu d’affichage accessible au public.

A défaut d’avoir procédé de la sorte, seules des sanctions pénales pourront être infligés à une personne contrôlée dans une commune qui n’a pas prévu de sanctions administratives Covid et l’amende administrative qui serait proposée serait illégale.

Il est donc utile de consulter le site internet de sa commune pour se renseigner sur l’application de sanctions administratives éventuelles.

Le régime de l’amende administrative ne s’applique exclusivement qu’aux infractions aux arrêtés Covid et non aux infractions de droit commun qui pourraient avoir été commises en même temps (concours d’infractions).

Enfin, lorsqu’une commune choisit d’appliquer les sanctions administratives, le collège des procureurs généraux prend une directive par lequel le ministère public renoncera à poursuivre les infractions au pénal sauf en cas de concours d’infractions ou de récidive ; dans ces cas, le paiement de l’amende administrative n’éteint pas les poursuites mais il sera tenu compte par le juge du montant de l’amende déjà acquitté par le contrevenant.

L’amende administrative peut faire l’objet en cas d’accord d’un paiement immédiat via un terminal mobile ou un GSM mais jamais en liquide et le procès-verbal du fonctionnaire sanctionnateur est transmis dans les 15 jours au Procureur du Roi.

C.2. Les sanctions pénales :

Les sanctions pénales font l’objet d’une approche graduelle selon l’importance des manquements constatés et leur réitération.

C.2 a) La transaction pénale de 250 € à 750 € en cas de 1ère infraction isolée

Lorsque les services de police constatent le non-respect d’une des interdictions imposées par la réglementation Covid, ils dressent systématiquement un procès-verbal précisant le contexte de l’infraction, sauf en cas de bonne foi manifeste des personnes interpellées.

En cas de premier constat d’infraction, une transaction pénale de 750 € pour les commerçants, les exploitants et les responsables d’une activité et de 250 € pour tous les autres contrevenants est proposée.

La transaction avec paiement immédiat via un terminal mobile ou un gsm est également possible mais pas en liquide. Cette façon de faire suppose l’accord du contrevenant et ne peut lui être imposée.

En cas de paiement de la transaction pénale, les poursuites sont cette fois éteintes mais le procès-verbal de constatation d’infraction est enregistré et servira de base à la récidive en cas de nouveau contrôle.

C.2 b) La peine d’emprisonnement de 8 jours à 3 mois et/ou une peine d’amende de 26 € à 500 € (x 8 =de 208 € à 4.000 €) en cas de concours d’infractions ou de seconde infraction

En présence d’un concours d’infraction (plusieurs infractions ont été commises au même moment) ou de récidive en cas de nouveau contrôle, la personne suspectée sera citée, selon la circulaire des procureurs généraux, dans les plus brefs délais devant le Tribunal correctionnel et risquera les peines suivantes :

Selon l’article 10 de l’arrêté ministériel du 23.03.2020 précité :

« Les infractions aux dispositions des articles 1er, 4, 5, 8 et 8bis sont sanctionnées par les peines prévues à l’article 187 de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile. »

L’article 187 de la loi du 15.05.2007 relative à la sécurité civile prévoit les peines suivantes :

« Le refus ou la négligence de se conformer aux mesures ordonnées en application de l’article 181, § 1er et 182 sera puni, en temps de paix, d’un emprisonnement de huit jours à trois mois et d’une amende de vingt-six à cinq cents euros, ou d’une de ces peines seulement. »

D) Le procès devant le Tribunal correctionnel  

Le Tribunal correctionnel est le seul juge pour connaître des infractions Covid sur citation du Procureur du Roi qui est lancée à bref délai.

Pour lutter contre la crise sanitaire actuelle, les parquets ont fait savoir qu’ils ont font de ces dossiers une priorité de leur politique criminelle de sorte que les audiences Covid se multiplient et sont traités à la chaîne en urgence, a fortiori, pour les personnes ayant fait l’objet de plusieurs procès-verbaux de contrôle.

Ces audiences sont publiques et il est utile de consulter un avocat qui  pourra vous représenter à ce procès et soutenir votre défense après avoir eu un accès au dossier répressif.

Il faut surtout éviter d’être jugé par défaut car les jugements prononcés par défaut en cas  d’absence des personnes citées en justice prononcent des peines d’emprisonnement et/ou d’amende fermes et donnent le sentiment que ces cas sont pris en exemple.

Or, l’absence d’une personne à son procès ne doit pas être interprétée dans un sens ou un autre et peut même s’expliquer parfois par la volonté du prévenu défaillant de respecter désormais strictement les mesures de confinement.

En cas de condamnation par défaut, il est possible de consulter un avocat pour faire opposition à ce jugement  dans les 15 jours de la signification du jugement ou d’exercer un appel dans les 30 jours de la signification du jugement dans le respect des formalités légales.